La Princesse Palatine, une femme libre à la cour de Louis XIV
Atypique, indépendante, truculente, franche jusqu’à l’extrême, volontiers mauvaise langue, Elisabeth-Charlotte de Bavière reste une figure étonnante voire dissonante de l’entourage du Roi Soleil. Seconde femme, de Monsieur, frère du souverain, elle va tour à tour amuser, fasciner par son esprit et agacer ce dernier. La Princesse Palatine a, avec nous un point commun : l’amour des petits épagneuls nains anglais. Elle en possédait un grand nombre et ils la suivaient partout.
Elisabeth-Charlotte est née en 1652 dans une petite cour de Bavière et a été élevée dans le respect de l’ouverture d’esprit et des arts. Très vite, cette adolescente que l’on disait disgracieuse (en tout cas selon les critères de l’époque), devient une jeune fille vive d’esprit et cultivée. Fille du Compte Palatin du Rhin, Charles 1er Louis et de Charlotte de Hesse-Cassel, elle est éduquée dans la relation réformée qui était pratiquée dans certaines provinces allemandes au XVIIème siècle.
Lorsque la première épouse de Philippe, frère du Roi de France décède prématurément, son remariage avec Elisabeth-Charlotte est conclu et elle vient s’installer en France en 1671 après des noces célébrées à Châlon-en-Champagne. Elle devient donc duchesse d’Orléans. Au début, le duc est un peu surpris par le manque de grâce et l’attitude un peu farouche d’Elisabeth-Charlotte mais il s’habituera à elle et un profond attachement malgré son peu d’attrait pour les charmes féminins. Ils auront ensemble trois enfants, le premier, Alexandre-Louis, mourra à seulement trois ans, plongeant la jeune duchesse dans un profond désarroi. Philippe, leur second fils, deviendra, à la mort du roi son oncle, régent jusqu’à la majorité de Louis XV. Ils auront aussi une fille, Elisabeth-Charlotte d’Orléans qui épousera le duc de Lorraine et Bar Leopold 1er. A leur mort, elle deviendra régente des deux duchés et princesse régnante de Commercy.
La jeune Elisabeth-Charlotte
La vie à la cours de Versailles n’est pas forcément du goût d’Elisabeth-Charlotte. Elle n’aime pas spécialement l’apparat et a du mal à s’intégrer dans cette société française ou les intrigues et les médisances la mettent mal à l’aise tout du moins au début. Pleine d’esprit, cultivée, brillante, elle va petit à petit se faire une place de choix dans l’entourage de son royal beau-frère.
Dans son cinquième ouvrage consacré aux Reines de France, “Les femmes du Roi-Soleil” (éditions Fallois), l’historienne Simone Bertière consacre de longues pages à cette duchesse hors du commun. Elle décrit comment, elle va petit à petit, grignoter du pouvoir et devenir un personnage incontournable de la vie à la cour. “La” Palatine, est désormais une femme d’influence. Sa correspondance est nombreuse et demeurée célèbre. Ses lettres à la princesse de Galles entre-autres sont restées dans l’histoire et Daniel des Brosses, dans son ouvrage, “La Palatine, incorrigible épistolière” (éditions 60 000 lettres) analyse une grande partie de sa correspondance. Une sélection de ses lettres a été publiée en 1999 aux éditions Mercure de France.
L'historienne Simone Bertière
Femme libre et atypique, la Princesse Palatine ne déteste pas la compagnie des humains mais elle est surtout très dépendante de l’affection que lui donnent ses animaux de compagnie. Elle possède de nombreuses espèces. On peut la voir sur certains portraits, accompagnée d’un petit singe à la race tout à fait indéterminée qui ressemblerait un peu à un capucin mais elle est restée surtout présente dans l’esprit des cynophiles pour le grand nombre d’épagneuls nains anglais, baptisés à l’époque déjà king charles spaniels, qu’elle a fait vivre au château de Versailles. On disait qu’elle en possédait une quinzaine en permanence. Simone Bertière découvre en relisant ses lettres à quel point il lui apportaient de tendresse et combien ils méritaient leur surnom de “consolateurs” surtout au début de sa vie en France. Elle leur confiait ses pensées et aimait à les promener en meute dans les jardins ce qui ne devait pas toujours être du goût du roi et de ses courtisans car cela occasionnait une certaine pagaille. Cette attitude parfois un peu sauvage et asociale faisait aussi partie de ce caractère complexe qui a fait d’Elisabeth-Charlotte un personnage à la fois exaspérant et attachant. Peut-être que c’est aussi l’un des éléments qui on contribué à son image de femme libre jusqu’à l’extrême. Paradoxalement, il n’existe pas à ma connaissance de portraits de la princesse avec ses chiens. Je n’ai pu trouver qu’un tableau représentant Henriette d’Orléans qui l’avait précédée, avec dans ses bras un petit chien ressemblant à un phalène.
La princesse Palatine est aussi un tantinet “langue de vipère”. Elle ne cache jamais ses inimitiés ni ses rancoeurs et elle ne rechignait jamais à brocarder les courtisans et même les membres de la famille du roi. Ses mots d’esprits et ses critiques souvent acerbes mais “bien senties” en faisaient une personne qui inspirait une certaine crainte et parfois même une franche antipathie. Le mariage morganatique du roi avec Madame de Maintenon ne fut pas du tout de son goût. Elle trouvait la marquise très étroite d’esprit et revêche et l’avait surnommée “la Ripopée”. Elisabeth-Charlotte pouvait se montrer même souvent plus triviale et ne mâchait ses mots ni en public ni dans ses écrits ce qui finit par agacer le roi.
Curieusement, si elle gardait son franc-parler en toute circonstance, se montrant parfois agressive, elle conserve pour son beau-frère un respect qui ne se démentira pas même quand il la rabrouera en public. Une certaine inimitié persiste quand même quant au sort réservé par Louis XIV et Louvois au Palatinat, sa région d’origine. Elle reprochera à ce dernier la mort de son frère et de son père.
Aimée pour ce qu’elle était par son mari et son beau-frère, un peu conspuée pour sa force de caractère, la Princesse Palatine était sans doute ce qu’on appellerai un “sacré numéro”. Peut-être que certains d’entre-nous, dans notre vingt-et-unième siècle se reconnaissent dans ce personnage détonnant. Elle meurt, en 1722 au Château de Saint-Cloud, laissant en héritage sa prose et son amour des animaux.